Les habitants du Spitzberg face au changement climatique
Energy Observer est devenu, le 10 août 2019, le premier navire au monde à rejoindre le cercle polaire arctique propulsé uniquement aux énergies renouvelables et à l’hydrogène. Plus de 3,000 milles nautiques d’une navigation historique parcourus entre St Pétersbourg et le Spitzberg, destination emblématique à plusieurs égards.
Cette île de l’archipel norvégien du Svalbard subit de plein fouet les effets du changement climatique, plus que n’importe où sur la planète. Un phénomène qu’Energy Observer a documenté durant cette escale symbolique de l’Odyssée.
Globalement, l’Arctique se réchauffe deux fois plus vite que le reste de notre planète. Et au Spitzberg — plus largement au Svalbard —, c’est encore plus marquant. Une centaine de mois maintenant — soit plus de huit ans — que les températures sont supérieures aux normales de saison. À ce stade, les habitants n’ont plus besoin des relevés météo pour mesurer le changement climatique en cours. Ses effets se font ressentir au quotidien. La pluie, notamment, remplace la neige. Le mois de janvier dernier a même été de 4,7 °C plus chaud qu’habituellement.
Il y a 15 ans, le fjord était recouvert de glace. Les habitants pouvaient le traverser à pied ou même en moto neige. Mais ce n’est plus le cas. Avec la hausse des températures, la glace ne tient plus. La mer fait désormais des vagues. Et certains ont dû quitter leur maison, menacée par l’érosion.
Des habitants délogés
En décembre 2015, une avalanche exceptionnelle a déferlé sur Longyearbyen, laissant deux morts derrière elle. De nouveaux outils d’alerte ont été mis en place. Pour les habitants de l’île, les ordres d’évacuation se multiplient. Mais de nouveau, en février 2017, une coulée de neige a détruit deux bâtiments. Car la vitesse à laquelle se produit le réchauffement met également à mal les capacités des météorologues à faire de bonnes prévisions.
Alors, certains choisissent tout simplement de quitter la ville. Les autres font face. En mars 2018, l’abandon définitif de près de 150 maisons a été recommandé par des experts. Et dans le centre-ville, une quarantaine de bâtiments devront être protégés par des barrières anti-avalanche.
Autre conséquence du réchauffement climatique : la fonte du pergélisol (ou permafrost). Un dégel qui déstabilise les habitations. Ainsi l’ancien hôpital de l’île, reconverti en logements en 1997, a été évacué en 2016. Des fissures étaient apparues et il menaçait de s’effondrer. Un dégel a l’origine également d’infiltrations d’eau comme celle emblématique qui a eu lieu récemment du côté de la réserve mondiale de semence enfouie sous une montagne du Spitzberg.
Un écosystème bouleversé
De saison en saison, les habitants de Longyearbyen voient également évoluer l’écosystème dans lequel ils vivent. Les morues polaires qui survivent en se cachant sous la glace ont, pour ainsi dire, disparu de la région. Les ours polaires, quant à eux, sont poussés vers les villes par la fonte de la banquise et la faim. Et il y a quelques jours, ce sont quelque deux cents cadavres de rennes morts de faim pendant l’hiver qui ont été retrouvés sur l’archipel.
“Des effets du changement climatique visibles partout, à terre et en mer”. Le Spitzberg va marquer pour longtemps l’histoire d’Energy Observer.
Dans le même temps, des poissons nouveaux arrivent par centaines, faisant le bonheur des pêcheurs locaux et forçant certains à l’optimisme. Ceux-là espèrent que le réchauffement climatique profitera à la vie locale. De nouvelles zones de pêche, donc, mais aussi de nouvelles routes maritimes. De quoi finalement doper l’industrie, le tourisme et l’emploi… mais à quel prix ?
Notre série sur le Spitzberg
[Objectif Spitzberg] L’épicentre du changement climatique
[Objectif Spitzberg] La fonte des glaces, quelles conséquences ?
[Objectif Spitzberg] Au Svalbard, mémoire de 13 000 ans de biodiversité
[Objectif Spitzberg] Longyearbyen, la ville qui se réchauffe le plus vite sur Terre
[Objectif Spitzberg] Les ours polaires menacés par le changement climatique