La Namibie, une perle rare dans le paysage énergétique mondial
La Namibie : 81ème et dernière escale en Afrique pour Energy Observer. La Namibie est différente de tous les autres pays africains où notre catamaran a pu se rendre. Non seulement grâce à ses dunes qui s'étendent à l'infini et bordent le paysage, mais aussi sur le plan énergétique. Le pays est caractérisé par une complexité dont nous n'avons jamais été témoins auparavant.
La Namibie est un pays géographiquement vaste, principalement constitué de déserts, et donc très peu peuplé (environ 2,5 millions d'habitants). C'est l'un des pays les plus arides d'Afrique subsaharienne et l'un des plus vulnérables au changement climatique, qui frappe déjà ses écosystèmes fragiles et complique son développement socio-économique.
Un marché ouvert, une dépendance inéluctable
En 1990, alors que la Namibie obtient son indépendance de l'Afrique du Sud, l'économie du pays est caractérisée par un secteur industriel restreint et une forte dépendance pour la production et de l'exportation de matières premières. Aujourd'hui, comme à l'époque, elle repose toujours sur une poignée de secteurs dont l'exploitation minière, l'agriculture pluviale, la pêche, l'industrie manufacturière et le tourisme, et importe la quasi-totalité de ses biens. Produits alimentaires, machines, équipements et produits chimiques, tout lui vient de l'étranger, principalement d'Afrique du Sud et le reste de la Zambie, la RDC, la Chine et l'Allemagne.
Il en va de même pour l'énergie. En effet, malgré une population peu nombreuse, un faible taux d'électrification de 56 % et une capacité de production nationale d'environ 680 MW - dont 509,5 sont détenus par l'entreprise publique NamPower et le reste exploité par des producteurs indépendants - la Namibie ne peut satisfaire que moins de la moitié de ses besoins en électricité. Cela est dû aux centrales qui ne produisent que rarement, voire jamais, à pleine capacité. Le pays se trouve donc dans une situation de grave déficit énergétique qui l'oblige non seulement à chercher de l'électricité ailleurs, devenant ainsi dépendant des importations d'électricité des pays voisins, mais aussi, en conséquence, à subir l'un des tarifs d'électricité les plus élevés d'Afrique australe, avec 1,82 dollars namibiens par kWh, soit 0,12 euro/kWh.
Aujourd'hui, 60 % de l'approvisionnement en électricité provient de l'étranger, principalement par le biais de contrats bilatéraux avec le fournisseur d'électricité sud-africain Eskom, qui a déjà du mal à fournir suffisamment d'électricité dans son propre pays, ce qui entraîne des pénuries d'électricité et des délestages continus. Le reste est principalement assuré par l'importation de combustibles fossiles (pétrole et charbon) et d'énergie hydraulique provenant de la centrale hydroélectrique de Ruacana, la plus grande source d'énergie nationale de la Namibie, qui a déjà commencé à subir les menaces du changement climatique. La situation doit changer.
Des ressources et atouts multiples
Si le pic de demande est encore relativement modeste aujourd'hui, il ne fait aucun doute qu'il augmentera dans les années à venir pour tenter d'électrifier les ménages qui n'ont toujours pas l'électricité. Selon le National Integrated Resource Plan (NIRP) - un plan de développement du secteur de l'électricité sur 20 ans visant à donner une indication de la demande en électricité de la Namibie - cette demande devrait passer à 930 MW en 2025 et atteindre 1348 MW en 2030. Les défis à relever sont nombreux : il ne sera pas facile de répondre à ces besoins, de faire face aux pics de consommation, de réduire la dépendance à l'égard de l'électricité importée, de remédier à la congestion du réseau de transport sur le corridor d'importation et de faire face au déclin de la production excédentaire au sein de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC). Mais pas de panique, ce territoire est doté d'un potentiel renouvelable suffisant pour devenir une puissance régionale, qui pourrait réduire de manière significative la dépendance de l'Afrique subsaharienne à l'égard des combustibles carbonés.
Même si, à ce jour, la Namibie n'a développé qu'environ 200 MW de capacité photovoltaïque, ce qui contribue à environ 25 % de la production locale, le pays est parfaitement positionné pour la production d'énergie photovoltaïque et à concentration solaire. Avec de vastes paysages ouverts, un ciel clair, plus de 300 jours d'ensoleillement par an et un climat tempéré, le potentiel de production solaire est immense. Ici, la production d'énergie réalisable par un système photovoltaïque à grande échelle typique est de 5,38 kWh/kWp/jour, ce qui signifie qu'un système photovoltaïque d'une capacité installée de 1 kW peut produire 5,38 kWh chaque jour: deux fois plus qu'en Allemagne et 40 % de plus qu'en Chine, le géant de l'énergie solaire. Aucune région du monde, à l'exception du Chili, n'est meilleure que la Namibie pour la production d'énergie photovoltaïque.
Le sol namibien est riche en ressources minières, ce qui explique en grande partie les efforts déployés par le gouvernement sud-africain de l'apartheid pour garder le contrôle de cette nation tout au long de sa lutte pour l'indépendance. En 2022, la Namibie était le troisième producteur mondial d'uranium et le huitième producteur de diamants. Le lithium, essentiel pour le stockage des énergies renouvelables, et les terres rares telles que le dysprosium et le terbium, indispensables pour les aimants permanents des éoliennes ou les batteries des véhicules électriques, sont abondants dans la région. Le zinc et le cobalt sont également présents dans le sous-sol. La Namibie a une longue tradition minière et aujourd'hui, le secteur représente environ 15 % de son PIB annuel et emploie quelque 16 000 personnes.
La désalinisation pour accélérer le secteur des mines et de l'H2
L'extraction des ressources minières nécessite beaucoup d'eau (et d'énergie) et il n'est pas évident pour un pays désertique de répondre à des besoins en eau aussi gigantesques, d'autant plus que les populations en ont déjà besoin pour vivre. Heureusement, la Namibie a un accès facile à l'eau de mer, alors quoi de mieux que de la transformer en eau douce au moyen d'un système de désalinisation ? Une telle usine a déjà été construite dans la région d'Erongo. Avec une capacité de production d'environ 12 millions de mètres cubes d'eau douce par an, soit l'équivalent de 4800 piscines olympiques, l'usine de dessalement d'Erongo est la plus grande usine d'osmose inverse d'Afrique australe. Sa production est presque entièrement destinée aux mines d'uranium de la région d'Erongo mais pourrait à l'avenir, après extension de sa capacité, répondre aux besoins en eau potable des villes et, pourquoi pas, d'une économie de l'hydrogène.
En effet, si le gouvernement envisage d'augmenter la production à partir d'énergies renouvelables pour réduire la dépendance énergétique et la contribution - bien que négligeable - aux émissions de gaz à effet de serre, le réseau national devra intégrer de nouvelles solutions de stockage de l'énergie, dont l'hydrogène. L'hydrogène vert est un produit que la Namibie envisage de produire et d'exporter sur le marché international et qui pourrait aider le pays à passer d'une industrialisation très limitée à une industrialisation importante, en sautant la partie lourde en carbone de ce processus, par lequel presque tous les pays développés sont passés. Projet Hyphen Tsau Khaeb, Daures Green Hydrogen Village, Cleanergy Solution Namibia, Renewstable, les projets sont divers, certains pour produire de l'ammoniac et des engrais, d'autres pour produire de l'hydrogène à faible teneur en carbone pour l'exportation, d'autres encore pour le stockage local de l'énergie. Les projets auront besoin de temps et de financements pour voir le jour, mais une chose est sûre : la Namibie ne manque de rien pour réussir dans ce secteur.
Il est essentiel pour toutes les nations d'accélérer les efforts de réduction de leurs émissions, notamment en adoptant des énergies durables. Pour un pays comme la Namibie, il s'agit d'un véritable défi : cela signifie qu'il faut développer l'approvisionnement en électricité, augmenter les sources nationales pour alimenter le développement économique, tout en construisant un système énergétique plus résistant et en réduisant les émissions. La tâche est énorme, mais pas impossible. Toutefois, n'oublions pas que ce pays devra accélérer sa propre transition avant de nous aider à réussir la nôtre.