L’hydrogène, accélérateur de la mobilité lourde décarbonée
Il est aujourd’hui incontestable que l’hydrogène fait partie des premières solutions réalistes pour atteindre la neutralité carbone. De nombreux pays misent sur des stratégies de développement ambitieuses dans ce vecteur énergétique. La France, pour sa part, s’est engagée à soutenir le développement de la filière de l’hydrogène vert* à la hauteur de 7,2 milliards d’euros à l’horizon 2030. L’une des priorités de ce plan de relance concerne la mobilité lourde.
La mobilité lourde, un poids lourd des émissions de GES
Que ce soit le ferroviaire, le maritime ou encore l’aérien, la mobilité lourde reste aujourd’hui l’un des plus grands défis de la transition énergétique. Prenons pour exemple les poids lourds et le transport de marchandises. En France, bien qu’ils représentent moins de 2% du parc total de véhicules, ils sont responsables de plus de 22 % des émissions de CO2 des transports (Source : CITEPA, inventaire format Secten 2020).
Malgré des progrès conséquents en termes de technologies innovantes et le respect de normes environnementales par les constructeurs et transporteurs, la mobilité lourde reste un secteur dont les émissions augmentent de manière constante, notamment depuis la pandémie du COVID-19 qui a considérablement boosté le e-commerce et les livraisons à domicile. Des services qui se veulent de plus en plus rapides, poussant ainsi de nombreux véhicules à prendre la route sans même avoir atteint leur capacité de chargement optimale. La meilleure énergie étant celle qui n’est pas inutilement consommée, il est important de raisonner globalement sur l’avenir des écosystèmes du transport, du distributeur jusqu’au consommateur, la technologie, elle, ne faisant que progresser !
Des camions qui carburent à l'hydrogène
Quels sont les principaux avantages de l’hydrogène pour de gros véhicules ? Le poids des réservoirs et donc l’autonomie, point faible insoluble des véhicules à simples batteries, mais aussi la vitesse de remplissage, point clé de toute solution logistique.
Concrètement, le mode de fonctionnement est similaire à celui d’un véhicule électrique, silencieux, propre et disposant d’un couple important, sans les contraintes de poids ni de temps de recharge. La puissance nécessaire à la propulsion d’un 38 tonnes sur des centaines de kilomètres demande une réserve d’énergie telle que le poids des batteries devient une charge considérable.
Ce cercle vicieux -plus d’énergie demandant plus de batteries donc plus de poids qui demande plus d’énergie- ne peut aujourd’hui être brisé que par un stockage hydrogène. Les batteries sont alors limitées à un usage de stockage court terme et de récupération d’énergie au freinage, et donc d’un poids raisonnable. C’est l’architecture utilisée sur Energy Observer, qui stocke jusqu’à dix fois plus d’énergie dans ses réservoirs hydrogène que dans ses batteries Li-Ion, pour le même poids !
Les applications hydrogène ne concernent pas uniquement la propulsion, mais aussi l’alimentation électrique de la chaîne du froid, fondamentale dans le transport de produits frais.
Prenons pour exemple le fonctionnement de la semi-remorque développée par CHEREAU, l’Hydrogen Power H2.
“Nous retrouvons des réservoirs à hydrogène, implantés dans le châssis entre les longerons, une ou plusieurs piles à combustible et des batteries tampons. Les véhicules sont conçus pour au moins deux jours d’autonomie en longue distance et une journée en distribution. Le plein se fait en 10 minutes seulement. Les tests initiés ont permis de vérifier les performances de cette solution propre et aussi de réaliser une première estimation du coût d’utilisation à terme, qui se révèle suffisamment pertinent pour en engager l’industrialisation.”
Bien que l’hydrogène vert soit toujours en phase de déploiement de sa production et de structuration de ses écosystèmes, celui-ci répond déjà parfaitement aux besoins exigeants des véhicules lourds (poids, sécurité, temps d’approvisionnement).
C’est pour cette raison que le plan français se focalise notamment sur le développement d’infrastructures suffisantes. Si nous restons sur l’exemple de la France, le territoire prévoit de s’équiper de 100 stations hydrogène à l’horizon 2023 et jusqu’à 1000 stations en 2029.
“Pour arriver à un succès, il faut massifier les usages, structurer les écosystèmes en associant l'industrie et la mobilité. On a besoin d'articuler les politiques nationales avec les territoires. On doit nouer des partenariats technologiques à l'échelle française et européenne.”
Le challenge actuel réside donc dans le développement de véritables écosystèmes autour du transport lourd, associant constructeurs de véhicules, fournisseurs d’énergie, développeurs des réseaux de distributions, sans oublier les futurs clients et utilisateurs. Pour un développement coordonné de tous les besoins et pour un modèle économique qui soit réalisable. En France et en Europe, des projets se développent en ce sens, notamment pour créer des « corridors » hydrogène afin de faciliter le développement du transports routier hydrogène. Ces projets visent à associer tous les acteurs de cet écosystème avec le soutien des collectivités et organismes de financement.
Par ailleurs, une récente étude du consortium européen FCH JU (Fuel Cells and Hydrogen Joint Undertaking) révèle que les poids lourds hydrogène seront économiquement rentables d’ici 2027, si les objectifs de volume de production sont tenus.
Cette stratégie de déploiement est d’ailleurs déjà bien enclenchée dans de nombreux pays industriels leaders. Lors de son escale en Californie, l’équipage d’Energy Observer a ainsi pu constater l’avance et les ambitions remarquables des États-Unis dans ce secteur. C’est le premier pays à avoir intégré l’hydrogène et la technologie des piles à combustible dans sa politique énergétique, créant même depuis 2015 une journée nationale dédiée à ce vecteur énergétique. Depuis la première crise pétrolière dans les années 70, la recherche s’est accélérée et certains États comme la Californie se sont imposés des normes drastiques en matière de réduction d’émissions. L’hydrogène se déploie sur tout le littoral californien, avec un objectif de 5 millions de véhicules zéro émissions d’ici à 2030, contre 350 000 à ce jour.
Même si les décisions ont été parfois difficiles à prendre, l’ensemble des acteurs industriels de la mobilité lourde se lancent aujourd’hui dans cette révolution hydrogène de façon résolue, et sont suivis par des entreprises décidées à décarboner leurs flottes rapidement, que cela soit dans le ferroviaire, l’aérien, le maritime ou le transport routier. La technique et les infrastructures sont donc en route, mais encore une fois c’est l’ensemble de l’écosystème qui doit répondre aux défis de la décarbonation, jusqu’au client final qui devra parfois accepter une livraison moins rapide pour optimiser le transport de son achat !
Le Paris de l’H2, une vitrine de la mobilité lourde de demain
C’est dans ce contexte qu’Energy Observer réalisait en mai dernier un évènement intitulé « Le Paris de l’hydrogène ». Durant plusieurs jours, le village d’exposition d’Energy Observer réunissait pour la toute première fois des applications concrètes de mobilités et de systèmes hydrogène , présentées par des leaders de la mobilité lourde tels que :
- Toyota Motor Europe, qui équipe le premier bus à hydrogène Caetano Bus à hydrogène d’une pile à combustible identique à celle de la Toyota Miraï, voiture déjà vendue à des milliers d’exemplaires. Durant le Paris de l’Hydrogène, Victorien Erussard et les pilotes de Toyota France battaient d’ailleurs le record du monde d’autonomie avec la nouvelle MiraÏ, en atteignant 1003 km avec un seul plein.
- Toyota Material Handling, qui présentait son dernier chariot élévateur à hydrogène, maillon incontournable de la mobilité lourde et élément essentiel pour déployer une distribution d’hydrogène dans les principaux centres logistiques, terrestres ou portuaires.
- Le Groupe Delanchy, qui utilise la première semi-remorque frigorifique Hydrogen Power H2 de Chereau, qui peut garantir la chaîne du froid sans émission de CO2 ou de particules. Le Groupe Delanchy, leader du transport de produits frais, est par ailleurs un pionnier des solutions de mobilité lourde propre. Tout comme Energy Observer, le groupe teste et intègre aujourd’hui toutes les solutions techniques afin d’imaginer le meilleur mix énergétique au service du transport et de la logistique. Delanchy dispose d’un parc de véhicules très diversifié, récent et aux meilleures normes, intégrant notamment des camions électriques en distribution urbaine, la technologie hydrogène Chereau sur les semis frigorifiques, en attendant l’arrivée des premiers tracteurs hydrogène.
- Alstom et son Coradia iLint, le premier train régional à hydrogène, déjà en service commercial depuis 2018 en Allemagne et bientôt exploité en Autriche, aux Pays-Bas, en Suède et en France sur des lignes non électrifiées.
- Airbus, qui dévoilait des images inédites de ses futurs avions à hydrogène, dont les premiers vols commerciaux sont prévus dès 2035, et qui s’est associé avec Air Liquide et ADP pour développer l’aéroport du futur, inscrit dans les territoires comme acteur essentiel de la société hydrogène et de la mobilité lourde.
Pour aller plus loin :
De nouveaux projets devraient apparaître dans les prochains mois. En effet, la Coalition pour l’énergie de demain, créée en 2019 et composée de 14 entreprises membres, devrait dévoiler d’ici peu sept premières actions concrètes dans les domaines suivants : hydrogène vert, biocarburants, GNL, électricité verte, véhicules 0 émission pour les transports routier, aérien et maritime, éco-calculateur digital de la chaine de transport et plates-formes multimodales écologiques. Ces développements apporteront des moyens et des compétences humaines supplémentaires à la Coalition, qui participeront à bâtir le transport et la logistique durables de demain.
*L’objectif de ce plan est de favoriser, à la fois la production d’un hydrogène dit vert (car rappelons le, à ce jour 96% de l’hydrogène est produit à partir d’énergie fossile) mais aussi, d’atteindre une échelle permettant une massification de cette technologie et donc, de générer une baisse des prix de production jusqu’à devenir compétitif.