Plaidoyer pour la régénération des sols
7,9 milliards de personnes vivent aujourd’hui sur Terre, et l'on estime que nous serons 9,7 milliards d'ici 2050, puis 11 milliards d'ici la fin du siècle. Des estimations qui font apparaître un déficit important entre la quantité de nourriture produite aujourd'hui et la production dont nous aurons besoin dans les années à venir.
Avec cette problématique : comment assurer l'approvisionnement durable d'une telle population sans aggraver la dégradation des sols ?
Pour la Journée mondiale des Sols, nous aimerions rappeler le rôle clé qu'ils occupent dans notre écosystème, notre économie et nos sociétés. Pourtant, leur dégradation ne cesse d'augmenter à travers le monde. Un phénomène étudié par notre scientifique embarquée, Beatrice Cordiano.
Le sol, une richesse sous nos pieds
Les sols ne sont pas seulement de la terre, mais sont de véritables ressources, vitales pour notre écosystème. Le sol est un réservoir du vivant, qui contient plus de 25% de toute la biodiversité. Il y a plus d'organismes vivants dans une cuillère à soupe de terre qu'il n'y a de personnes vivant sur la planète. C'est pourquoi la terre est une ressource saine et extrêmement fertile.
Nous dépendons littéralement du sol pour tout ce que nous faisons. Il produit 95 % de notre alimentation, filtre les eaux, réduit les inondations, régule les émissions de gaz à effet de serre, nous fournit des carburants, ainsi qu'une surface sur laquelle construire nos foyers. Et nous en demandons toujours plus, abusant de sa générosité. Le sol, comme tout être vivant, a ses limites.
Ainsi, c’est une ressource limitée, qui se régénère au rythme de quelques centimètres tous les 1 000 ans. Et il ne suffit que de quelques instants pour le détruire. L'urbanisation, la contamination chimique, l'érosion, les glissements de terrain : voici quelques exemples d'acteurs directement responsables de la dégradation des sols.
Pour vous donner une idée de l'urgence à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui : plus de la moitié de la couche arable a déjà été perdue au cours des 150 dernières années, et la dégradation des sols continuera à augmenter si nous ne donnons pas le temps à la terre de se régénérer. Autrement dit, nous devons adopter de nouvelles approches et de nouveaux comportements de production, tant pour la santé des sols et de ses écosystèmes que pour celle de l'espèce humaine.
L’ère de l’anthropocène
La dégradation du sol peut se produire naturellement en raison des vents et des pluies qui balaient la couche supérieure du sol, modifiant ainsi sa composition et sa structure naturelle. Ceci étant dit, les activités anthropiques exacerbent le phénomène, car celles-ci génèrent des impacts environnementaux, sociaux et économiques considérables.
De nombreuses causes anthropiques peuvent déclencher l'appauvrissement de la qualité des sols. Tout d'abord, des pratiques agricoles inadaptées qui peuvent inclure l'accumulation de sel, peuvent réduire la fertilité du sol et provoquer une perte de ses éléments nutritifs. La déforestation nuit également directement au sol, car celle-ci affecte sa capacité de rétention d'eau et provoque des épisodes d'érosion aiguë. En outre, un usage excessif ou abusif d'engrais et de pesticides peut faire disparaître certains des micro-organismes bénéfiques au sol. Ainsi, les activités industrielles et minières contribuent principalement à la dégradation des sols, ainsi que les processus d'urbanisation et de surpâturage, qui privent la terre de sa couche végétale, affaiblissant ainsi sa résistance aux intempéries.
Comme vous pouvez le constater, la liste est longue, et les relations de cause à effet sont complexes. Ce qui est clair, c'est que les sols deviennent de moins en moins fertiles et donc, moins productifs face à l'accélération de l'érosion, qui rend le sol friable et l’appauvrit.
Que deviennent les sols dégradés ?
Le phénomène d'érosion ne fait pas disparaître le sol par magie : les vents les dispersent à travers l'air, tandis que les pluies les entraînent dans les cours d'eau, emportant avec elles les éléments nutritifs du sol, ainsi que les engrais et les pesticides utilisés par l'Homme. Ces flux peuvent ensuite aboutir dans un réservoir, des ruisseaux et des rivières, au pied d'une colline ou dans l'océan. Dans ce dernier cas, l'érosion accrue remplit les eaux d'éléments indésirables qui nuisent à l'ensemble de l'écosystème.
C'est ce dont nous sommes malheureusement témoins avec la Grande Barrière de Corail. Notre navire, naviguant actuellement dans ses eaux, assiste de près à la souffrance de ses écosystèmes. L'excès de sédiments est un problème majeur pour les récifs : non seulement ils troublent les eaux en bloquant la lumière, mais ils accélèrent également la croissance des algues, qui étouffent les coraux, endommageant leurs tissus, finissant par affecter leur capacité de reproduction et de croissance.
En dégradant la terre, nous nous rendons vulnérables
L'impact de la dégradation des sols va bien au-delà de la simple perte de la fertilité des terres, car elle déforme et pollue les cours d'eau, tout en mettant en péril des écosystèmes entiers non seulement à terre, mais aussi en mer. Cela peut conduire, dans le pire des cas, à la désertification.
De nombreux Objectifs de développement durable dépendent d'un terrain fertile. Un sol en bonne santé est un allié majeur dans notre lutte contre le réchauffement climatique, car celui-ci absorbe naturellement le CO2 dans l'atmosphère. Cependant, lorsque les sols sont dégradés, ils peuvent libérer le carbone stocké, et donc devenir acteur du changement climatique.
Un sol qui manque d'eau et de nutriments menace la croissance et le rendement des cultures, déstabilisant ainsi notre système alimentaire. Il a également de graves répercussions sur la santé, entraînant malnutrition et maladies, avec le cas extrême de la migration de populations entières vers des lieux plus sécuritaires, avec des moyens de subsistances plus sûrs.
Aujourd'hui, la dégradation des sols menace le bien-être de 3,2 milliards de personnes, soit 40 % de la population mondiale !
La dégradation des sols coûte aussi cher à nos économies, en raison du phénomène d'érosion. Plus de 400 milliards de dollars sont ainsi perdus chaque année à cause de la dégradation des terres. Une affaire assez coûteuse, n'est-ce pas ?
Changer nos habitudes pour préserver la Planète
Nous ne parlons pas beaucoup du sol. Pourtant, il s'agit d'une ressource extraordinaire, vitale pour nombre de nos activités. L’utilisation des sols a une dimension mondiale, et doit donc être abordée à cette échelle.
Nous devons mettre en pratique les techniques déjà connues et imaginer de nouvelles solutions pour limiter la perte de sols précieux. Le changement de nos pratiques fait partie de la solution pour prévenir - et dans certains cas inverser - la dégradation des sols. Il s'agit parfois d'actes simples, comme laisser la végétation pousser sur le sol pour que la terre puisse être réalimentée en nutriments, ou construire des brise-vents et des terrasses pour réduire les effets du vent et du ruissellement de l'eau.
D'autres solutions à long terme sont également positives, telles que : la rotation des cultures, l'agroforesterie, la permaculture, l'hydroponie, les programmes de reboisement.
Préserver les sols est un grand défi, mais avec une population croissante, nous n'avons pas d'autre choix que d'apprendre à produire plus avec moins, de manière durable. Et préserver de la dégradation cette ressource précieuse qu'est la terre.
Téléchargements
- World Population Prospects 2019 Highlights United Nations 13,6 MO, PDF Télécharger
- FAO 2015 International Year of Soils 89,4 KO, PDF Télécharger